L'article date de 2015 mais je viens de tomber dessus en cherchant des infos.
https://www.ouest-france.fr/bretagne/la-vie-de-jacky-swingue-au-son-des-juke-boxes-3419437Pour adorer les flippers et vénérer les juke-boxes, pas besoin d'arborer une banane. À 65 ans, Jacky Plouhinec, de Pluguffan, possède une des plus belles collections d'Europe.
InsoliteLe coin est perdu dans la campagne. Un endroit improbable de l'extérieur, et qui, à l'intérieur, se révèle être le temple du juke-box. Allez, on met deux tunes dans le bastringue, et c'est parti pour l'histoire !
Ça se passe à Pluguffan dans les années 50. Jacky Plouhinec est petit garçon et vit dans le café-bar de ses parents, Le Bovaro, avec ses clients sympas, son juke-box. « C'était un petit Emaphone, se souvient le garçon, j'étais scotché. Je demandais à mes parents : mais ils sont où, les musiciens ? ». Et voilà comment on fabrique un musicien (accordéon-piano), doublé d'un fou d'électronique.
Maintenant, on est dans les années 70. Jacky a suivi une formation en électronique et le jeune homme tâte dans le domaine. Il travaille à Paris. Tout ce qui est flippers, jeux vidéos et, surtout, juke-boxes, n'a pas de secret pour lui. Il vous ramasse un débris et en refait un joyau. Sur le sujet, il est incollable. « Le tout premier juke-box est apparu vers 1928, aux USA, mais c'était sommaire. En fait, le vrai premier commercialisable est sorti en 1938 : un Rock-Ola, à moins que ce soit un Wurlitzer, car les deux grands concurrents mondiaux sont américains et tous deux basés à Chicago ». Quand il en parle, son oeil pétille. Pendant qu'on cause, voilà que le vieux Gene Vincent nous refait un Be-bop a lula, sans qu'on lui ait rien demandé. « C'est comme ça, il faut les allumer tous les jours, et on a parfois ce type de surprise ».
Côté historique, j'essaye de suivre, en cas d'interro : en Europe, c'est vers 1946-47 qu'ils arrivent en Belgique et en Allemagne, grâce aux bases militaires américaines. Pour la France, l'importation est interdite jusqu'en 1958. Comme ça, l'entreprise Electro-Kickers, de Baume-les-Dames (Doubs), a le temps de fabriquer le Jupiter, premier appareil made in France, qui fera sa place dans tous les bars jeunes dignes de ce nom.
Le joyau du Mexique« Neuf, précise Jacky, ça va chercher dans les 3 ou 4 000 €, pas évident à rentabiliser ». Mais, pendant plus de 20 ans, ça marche : entre 150 et 200 000 bars s'équipent dans l'hexagone. « Après, dans les années 80, la Sacem est devenue gourmande, les taxes excessives, et puis les radios libres sont arrivées, passant la musique en boucle gratuitement. Le juke-box était mort ». Ce qui tourne, c'est le flipper, les jeux vidéos, le baby-foot Bonzini.
Alors Jacky rentre en Bretagne, entre Pluguffan et Plomelin, monte son affaire de jeux pour bars la semaine (8 ou 9 salariés), tout en assurant les bals le week-end à l'accordéon. Ça tourne comme un manège de chevaux de bois à la Foire du trône.
Jacky a conservé un certain nombre de spécimens, et, pour sa retraite, une idée germe : monter son petit musée privé ! Alors il pioche, farfouille (France, Belgique, USA...), retrouve des modèles 1958, 1954, 1948... « Et puis, un jour, au Mexique, le bus s'arrête dans un petit village. En allant aux toilettes, dans l'arrière-cour d'un bar, je découvre « LE » juke-box : un Rock-Ola modèle 1938, avec tous les disques dedans, des 78 tours ! ». Même pas besoin de vraiment l'acheter, la patronne souhaite s'en débarrasser. « Finalement, c'est le transport jusqu'au Havre qui a coûté le plus cher ». Aujourd'hui, sa cote tourne autour des 12 000 €.
Autour de nous, 25 juke-boxes rutilants. Jacky s'approche du vieux Rock-Ola brillant comme un sou neuf (illuminé rouge, vert et jaune, style arrondi presque Art déco), et lance la machine. S'élèvent alors, presque aussi nettes qu'à l'époque, les voix de chanteuses jazzy qui célèbrent Lolly bop. Voix lointaines rendues à la vie...