extrait du télégramme d'aujourd'hui le 15/12/2013Tendance. Le retour du vinyle15 décembre 2013 -
On le disait dépassé, ringard... Sans les DJ, il aurait disparu corps et âme. Le disque vinyle fait son grand retour au grand jour. Fétichisme ? Nostalgie tendance « vintage » ? Effet de mode pour bobos ? Pas sûr car les « djeun's » en deviennent véritablement « accro ».
« Un pur bonheur », confie Hugo Quentel, âgé de 25 ans, étudiant en médecine à Brest : « C'est une autre dimension. Le vinyle ça resacralise l'écoute de la musique ».
La chasse aux trésorsLe jeune homme est entré « en religion » il y a trois ans : « J'étais en Italie en Erasmus. Mes colocataires me disaient que le vinyle c'était génial. J'ai fini par acheter la version allemande du premier Velvet. Et j'ai craqué ». Traduisez : une dizaine de disques achetés dans la foulée, puis la centaine de vinyles et la platine du papa sortis du grenier.Depuis, le jeune homme fouine chez les disquaires et dans les foires : « On se pique vite au jeu pour avoir tel ou tel pressage et puis, on tombe sur des trésors. Le pied, c'est qu'on trouve des objets qui n'ont pas été touchés par le MP3, ni même édités en CD ! ».
« Obligé de se poser »Pour autant, Hugo ne « crache » pas sur le net : « le téléchargement m'a permis d'élargir mes connaissances en musiques du monde, électronique, jazz ou chanson française ». Désormais, plus question de consommer du MP3 avec son « son poubelle ». « Le son d'un vinyle est plus chaud et meilleur. Quand j'ai écouté en vinyle un disque de Stan Getz que ma mère écoutait quand j'étais gamin, et que j'avais racheté en CD, j'ai eu un choc en entendant même sa respiration ! »Hugo confie que l'intérêt du vinyle est aussi « d'obliger à se poser pour écouter la musique, seul ou entre potes ». Sans oublier le plaisir de manipuler une belle pochette avec des livrets riches en explications. « Et puis, parce qu'on paye, peut-être qu'on voit les choses différemment. »
Retour du métierLes disquaires, eux, sont heureux de voir revenir des jeunes dans leurs magasins. « C'est grâce à ces jeunes qui, souvent, n'ont pas connu le CD, que les ventes des vinyles progressent régulièrement depuis quatre-cinq ans », affirme Yvon Jézéquel, responsable de Dialogues Musiques (Brest) où le rayon (7 à 8.000 disques) pèse, aujourd'hui, 10 % du chiffre d'affaires. « C'est un mouvement de fond. On y a toujours cru, en conservant le rayon, même dans les années 90 », confie Yvon Jézéquel pour qui « on retrouve le plaisir de conseiller, de chercher ».« On redécouvre le vrai métier de disquaire », conforte Philippe Grellé (Bazoom, Auray) où le vinyle représente 20 % du chiffre d'affaires. « C'est une reconnaissance de notre travail, de notre connaissance des réseaux », ajoute Gilles Ollivier (Le Disquaire, Saint-Brieuc). « C'est une chance, une opportunité à saisir. Mais il ne faut pas se leurrer, le plus gros des ventes de vinyles se fait toujours en ligne ! ».
Gare au prix de venteÀ ce propos, attention à ne pas tuer la « poule aux oeufs d'or ». « Les vinyles que l'on trouvait à 15-16 euros, il y a trois ans, sont vendus aujourd'hui autour des 22 euros », déplore Hugo. « Beaucoup de disques sont à moins de 20 euros », tempère Yvon Jézéquel. Et lui de souligner que la qualité du pressage, mais aussi de la pochette, peuvent justifier un prix supérieur, « sans oublier qu'un code de téléchargement gratuit est offert ».Gilles Olivier, lui, estime que les vieux réflexes de la distribution reprennent le dessus avec une vision à court terme du maximum de marge. « Heureusement, le vinyle a généré de nombreux petits labels qui reconnaissent l'importance des disquaires. En travaillant en direct avec eux, on peut donc maintenir des prix corrects », précise Philippe Grellé. Une condition sine qua non. Sinon le retour du vinyle n'aura été qu'un effet de mode.
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Platines, les ventes explosent, les ventes de CD en chute libre
Ruée sur les platines
Les Rennais Franck et Jérôme ont créé maPlatine.com en 2011. En moins de deux ans, surfant sur le retour du vinyle, le site est devenu « la » référence avec... 850 références au top du top.
La hifi, c'est leur vie. Plus de 30 ans que la haute fidélité et les disques vinyles font le bonheur de Franck Thareault. Âgé de 42 ans, il n'a jamais dévié d'un sillon depuis les premiers émois suscités par le son chaud des petites galettes en acétate : musicien, technicien du son, disquaire indépendant, vendeur de hifi dans un magasin haut de gamme spécialisé dans l'analogique... « J'étais un de ses clients », raconte Jérôme Tré-Hardy, âgé de 37 ans. « On passait des heures à parler hifi. Un jour, se désolant de ne pas trouver, sur le net, d'accessoire pour sa platine, il m'a proprosé de créer un site de vente. Je travaillais dans les jeux vidéos. L'idée m'a plu. J'ai dit banco. »
Pas de copies !
Six mois pour trouver l'argent - « les banquiers nous riaient au nez » -, six mois pour concevoir le site... MaPlatine.com démarre en novembre 2011. Entre septembre 2012 et septembre 2013, les ventes bondissent de 85 %, les Rennais écoulant une centaine de platines par mois. Leur force : un stock de 850 références, platines, câbles, bras, cellules. Pas de discount, uniquement des marques réputées. Pro-Ject, Rega, Thorens, Ortofon, Gold Ring, Linn, Transfiguration... Pour tous les goûts, oreilles et bourses. De la platine à 199 euros, cellule comprise, au modèle à 24.000 euros, sans cellule ! Cellules, elles, disponibles de 30 à 7.000 euros !
Une alchimie
Mais le prix ne fait pas tout : « la hifi, c'est une alchimie ». « Une platine à 2.500 euros et une cellule à 1.500 euros ne garantissent pas automatiquement un super résultat. Tout est affaire d'équlibre et d'oreille. Même si j'avoue que, moi, qui ai découvert le vinyle avec une platine à 300 euros, j'ai eu le grand frisson, l'autre soir, en essayant un modèle à 10.000 euros pour écouter un opéra. J'entendais même le chanteur se déplacer », confie Jérôme. Pour pouvoir écouter la « différence » et bien choisir son matériel, maplatine.com a ouvert un « show room » dans ses locaux, à Saint-Jacques-de-la-Lande, près de leur propre atelier après-vente, « car 80 % des pannes sont réglées en un quart d'heure ».
Lecteurs numériques hifi
C'est aussi là que sont réglées, au petit poil, toutes les platines avant d'être expédiées aux clients : « Le jeune qui veut s'y mettre pour pas cher, les quadras qui redécouvrent leurs vinyles ou les mélomanes prêts à mettre les gros moyens pour assouvir leur passion ». Passion qui passe aussi par le numérique. Les Rennais proposent des lecteurs de fichiers au format mastering (dix fois la résolution d'un CD !). Bien dans leurs temps et pas sectaires, ces « hifi génies » ! Sur internet
www.maplatine.com (tél. 02.99.65.41.63) et monserveuraudio.com
15 décembre 2013
Hugo Quentel, étudiant en médecine à Brest, est entré « en religion » il y a trois ans. Photo Hervé Queillé
On le disait dépassé, ringard... Sans les DJ, il aurait disparu corps et âme. Le disque vinyle fait son grand retour au grand jour. Fétichisme ? Nostalgie tendance « vintage » ?...